vendredi 15 août 2014

Une dernière ronde agitée

Après de très belles journées, voici le brouillard et une petite pluie fine. On se croirait à Vénaco.

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Dernière ronde. Le chef arbitre nous fait un petit speech pour la première fois directement. Dans le premier secteur, on joue pour le titre, les médailles, le podium. Il faut donc être particulièrement vigilant.
Les français jouent pour le podium, ce qui m'interdit d'arbitrer les garçons. Je ne peux pas arbitrer un concurrent direct.
Les filles jouent bien, mais juste en-dessous du 1er secteur, je reviens donc chez les féminines, pour le plus grand plaisirs de ces dames.

(tiens, Nepomniachtchi passe dans l’aéroport)

Arménie - Espagne. C'est la première fois que j'arbitre un pays dont je comprends (un peu) la langue.
J'ai arbitré les fédérations suivantes :
Norvège, 7 fois
Ukraine, 2 fois
Allemagne
Arménie (femmes et Open)
Bosnie Herzegovine
Bulgarie
Chine (les champions)
Espagne (femmes)
Georgie (femmes)
Italie
Montenegro
Pologne (femmes et Opens)
Yemen

Les trois meilleurs joueurs du monde et de ses environs : Carsen, Aronian et Caruana, ainsi que Topalov, Ivanchuk, Ding, Ponomariov, Wojtascek, Wang, Naïditch, pour ne citer que les plus de 2700 Elo.

Mais revenons à la dernière ronde.

(Tiens un arbitre suédois)

J'arbitre les ibères, et nous allons voir que l'ibère sera rude.


Pour rafraîchir mon espagnol, en attendant que les équipes s'installent, je discute dans la langue de Cervantès avec ma voisine roumaine. Malgré ses 80 ans, la coquine n'hésite pas à me dire :
Elle : Te quiero mucho !
Moi : Yo tambien.
Elle : No te creo
La décence m'interdit de traduire ce dialogue torride.

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Les parties commencent. Un petit monsieur se glisse entre les tables. Je le vois de dos, et son kimono noir m'intrigue un peu. Il se retourne, et je reconnais Fernando Arrabal, l'écrivain, dramaturge, cinéaste, etc... espagnol. Lunettes de soleil en strass portées sur le front, au-dessus de ses lunettes de vue. Kimono noir, orné d'un dragons doré. L'artiste ne s'arrête pas plus de quelques secondes pour regarder les positions. Visiblement, il est là pour se montrer, pas pour observer. Je le reconnais facilement, car j'ai regardé "Avida" de Benoît Delépine et Gustave de Kervern avant de partir, il y joue le rôle d'une sorte de torero.

On repère immédiatement les spectateurs qui ne font pas partie du monde échiquéen. Ils dérangent les joueurs sans s'en rendre compte, en leur faisant face, ou en restant trop longtemps dans leur dos. Vous connaissez surement cette sensation désagréable.

 Imaginez cette mouche face à vous

Comme on est encore au tout début de la ronde, les photos sont autorisées. J'indique à Ladislav la présence de l'artiste. "C'est qui Arrabal ?"
Je me tourne alors vers Adnane Nesla, l'assistant d'Elisabeta (celle avec qui j'ai parlé espagnol, suivez un peu), et lui indique la présence du surréaliste. "C'est qui Arrabal ?"
Il a quand même écrit quatre bouquins sur les échecs, mais ... bon, je ne les ai pas lus. Quand j'étais lycéen, j'avais emprunté "Le Bréviaire d'amour d'un haltérophile" à la bibliothèque municipale. J'avais trouvé le titre amusant... la pièce moins.

(l'équipe du Nigéria double tout le monde, leur avions est annoncé, ils ne veulent pas le rater)

France-Russie semble attirer Arrabal. Il est trop proche des joueurs, l'arbitre turc lui fait signe de s'écarter.   Le V.I.P. montre son badge, ce qui ne convainc pas l'arbitre, mais le président de la fédération espagnole, Javier Ochoa de Echaguen Estibalez (ils sont plusieurs ?), indique au gardien de la paix échiquéenne que l'homme en kimono est une vache sacrée.
Le confort des joueurs est menacé.
Le voici devant USA-Azerbaïdjan. Nakamura lui fait signe de s'écarter une première fois. Arrabal fait un petit tour puis revient. Nakamura va voir son capitaine qui se plaint à ma voisine arbitre. Comme elle se déplace difficilement, et parce que Nakamura ne fait pas ch... Arrabal quand celui-ce écrit ses pièces de théâtre, j'interviens. Mais il m'est difficile d'intervenir directement, chacun son rôle, et puis ce n'est pas mon match. Je vais donc voir Panagiotis Nikolopoulos, alias Takis le grec, le chef arbitre :

Moi : Nous avons un soucis avec monsieur Arrabal, il dérange Nakamura.
Takis : C'est qui Arrabal ? (décidément !)
Moi : un écrivain, un artiste espagnol connu.

Au mot "artiste", le sourcil droit de Takis m'indique qu'il a compris la situation. Heureusement pour Arrabal, je n'ai pas dit "poète", sinon c'était le goudron et les plumes.

(Monsieur Abdelmoula Lemsioui, le délégué de la fédération royale marocaine des échecs, passe à côté de la table où j'écris. Il a neuf heures d'attente à l'aéroport d'Oslo. J'en ai huit à Trondheim, il a gagné.) 

Je désigne à Takis Nikolopoulos l'artiste qui ne passe pas inaperçu. Arrabal se fait voir par le grec. Le chef arbitre m'indique qu'il s'en occupe.
Un peu plus tard, il vient me dire qu'il a vu Ochoa, et lui a demandé de faire en sorte qu'Arrabal ne se mette pas trop près.  Il écarte les bras, et fait une grimace qui veut dire soit : "Faut faire avec, mon bon monsieur" ou bien "Je reprendrai bien un peu de souvlaki". J'opte pour la première réponse.

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Les françaises jouent juste derrière moi. Je m'interdis de les regarder, ce qui est idiot car elles sont intelligentes et jolies.
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Toutes les demi-heures, nous notons les temps sur les pendules et le nombre de coups joués. Je décide d'attendre que mon voisin se lève pour me lever en même temps. Pourvu qu'il ne fasse pas la même chose.

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Aris arbitre la Norvège. Il termine très tôt mais reste un peu pour nous narguer. "Au lieu de faire le malin, tu pourrais nous apporter du saumon" (il est bientôt 15h, et nous n'avons rien mangé à midi).
Quelques instants plus tard, il arrive avec sa tablette d'arbitre qu'il porte comme un plateau. Sur ce plateau se trouve un petit gâteau sec, très bien présenté mais très sec... pourvu que personne ne me pose une question.
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J'ai mangé tellement de saumon que je dois avoir plus de mercure qu'un vieux thermomètre.

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Un incident  dramatique est survenu pendant la dernière ronde. Un joueur secheyllois a été victime d'une crise cardiaque pendant sa partie. Il a été amené à l’hôpital, et son état semble grave.
Il y a eu un mouvement de foule : les gens ont étendu des cris indistincts. On ne savait pas encore qu'il s'agissait d'un malaise cardiaque. Certains joueurs ont quitté la salle de jeu, craignant une bagarre ou pire. Nous avons du arrêter les pendules, et rassurer les joueurs et les joueuses.
Après une annonce au micro, les participants ont pu reprendre leur partie. Cet événement a eu lieu après la première période de jeu. La plupart des parties étaient déjà terminées.

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L'équipe de France féminine termine à peu prêt à son classement sur la ligne de départ.
Chez les garçons la 13e place est décevante. Ils partaient 3e. Pourtant les français ont joué à leur niveau. Devant eux, les équipes se sont surpassées.
Bravo aux Chinois, premier dans l'Open et 2e chez les femmes.
Les résultats officiels : Open - Femmes

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(Skembris, le Grand Maître grec discute avec Susan Polgar et l’entraîneur de l'équipe féminine de Norvège. Pour l'instant, je n'entends que Spyros.)


première étape pour le retour
il pleut

1 commentaire:

Stéphane Escafre a dit…

souvlaki

Ingrédients :

Une souris d’agneau (pour deux personnes ou un Takis)
De l’huile d’olive
1 citron pressé
Sel et poivre
1 pincée d’origan
1 gousse d’ail

Préparation :

La veille :
Couper et désosser la souris d’agneau.
Préparer votre marinade avec l’huile, le jus de citron, du sel et du poivre et une bonne pincée d’origan. Rajouter un tout petit peu d’ail, mais pas trop, on doit surtout sentir le goût du jus de citron.
Faire mariner 24 heures.

Note : On peut aussi utiliser du porc, ce qui est plus digeste et tout aussi délicieux. La recette ne change pas dans sa préparation.

Le jour même, faites griller la viande. Vous pouvez les cuire directement en brochettes dans une poêle ou au barbecue.

vous pouvez servir vos souvlaki en brochettes avec du riz, des frites, ou une salade. mais l'idéal ce sont les tzatziki