jeudi 30 avril 2015

vous avez demandé la police, ne blitzez pas

Chargés de surveiller les entrées, avec leur détecteurs de métaux, après les rondes et avant de faire la leur (de ronde), les policiers se détendent dans la salle (le hall) d'analyse.


Petit-déjeuner. Je rentre le premier dans la salle. En France, Gérard Hernandez serait déjà là (pas le Raymond de M6, l'arbitre catalan).
Un serveur qui somnolait sur un canapé se redresse d'un bon, rajuste son gilet, et lance "zdravstvuyte", un peu gêné. On vous parle russe quand on n'a pas l'air arménien, ce qui fait que je ne comprends rien à ce que raconte le personnel du palace.
Arrive le président de la Commission d'Appel. Nous petit-déjeunons ensemble. N'ayant aucune langue en commun, nous ne nous sommes pas disputés.

Je veux cirer mes chaussures. La machine étant à côté de la porte d'entrée, un groom m'ouvre la porte avec un sourire "pozhaluysta" (je vous en prie). Je lui réponds "Niet", en montrant mes chaussures. Parce que je veux qu'elles sont bien niettes.
Cela m'arrive trois jours de suites. Après je ne vais plus cirer mes chaussures, par pitié pour le groom qui se gèle à chaque fois qu'il ouvre la porte.

Seuls le Chef Arbitre et moi portons des cravates. De temps en temps, un arbitre de match iranien se permet d'en porter une. C'est un ambitieux.

à gauche l'ambitieux a oublié son badge


Les deux adversaires du 4e échiquier du match Cuba-Israël ont des chaussures Lacoste.

Fatigué. 5e café. Un technicien me pose une question à laquelle je ne comprends rien. Je prends un air intelligent (ce qui me demande un assez gros effort), et propose un "hum hum ?" interrogatif. Il précise alors "Nintendo". Et je l'autorise à récupérer l'ordinateur que nous utilisons pour afficher le compte à rebours avant le début des parties.

Pendant les parties, j'entends murmurer. Je me retourne, et souvent Boris Gelfand, et là, seul, à chuchoter des variantes pour lui-même. Parfois, Richard Rapport fait de même. Mais ça n'a aucun rapport (vous auriez été déçu si je ne l'avais pas dit ...)

Des prises électriques sont dissimulées sous la moquette. Quand on fait glisser un petit loquet, cela libère la prise qui sort du sol. Des joueurs marchant négligemment sur ce loquet peuvent ainsi faire apparaître ce piège qui risque de faire trébucher le joueur qui les suit. La plupart du temps, les joueurs ne le font pas exprès.



Les chinois portent des doudounes bleues et blanches. Quand ils croisent les bras, ça fait "swiscchh swiscchh !"

Un joueur indien porte des baskets neuves. Quand il bouge les pieds, ça fait "qwwirk qwwirk qwwirk"







La remise des prix aura-t-elle lieu ?
Pourquoi Ivanchuk crie-t-il dans les couloirs ?
A-t-on la preuve que les chinois ne sont pas soviétiques ?
Quand on commence une phrase compliquée en anglais, que se ... ?

vous le saurez en suivant nos prochaines aventures...

lundi 27 avril 2015

bizarre bizarre Arménie WTCC

à gauche, j'ai pas vu le photographe, à droite, j'ai vu le photographe

ça commence au petit déjeuner : le chef de la délégation chinoise me demande où est la girafe... pardon ? Il fait un effort, et franchement, je suis admiratif (j'aimerai avoir son niveau d'anglais en chinois)... pourquoi y'a t-il la girolle ? Non, au petit-déjeuner, on ne sert ni girafe, ni girolle.
Ah ! Shirov !
Alexei Shirov fait partie de la Commission d'Appel. Le délégué approuve, il a compris. Et j'ajoute... il est aussi commentateur pour internet. Là il dit yes, mais je vois qu'il n'a pas compris. Je fais alors le geste de taper sur un clavier et je dis "bon coup, mauvais coup". C'est bon, il sait pourquoi la girafe mange des girolles.

Le chef arbitre me dit que c'est un jour important pour la France aujourd'hui... J'ai beau chercher... "PSG Barcelone !" précise-t-il. Je me dis que ça doit être du foot. Mais à part que ça se joue à 9, je n'y connais rien. Je lui parle tout de même de Djorkaev dont je me rappelle qu'il est à moitié Arménien, à moitié Kalmouk.
Venant du sud-ouest de la France, je suis plus intéressé par le rugby. Nous discutons un peu d'autres sports, et tombons d'accord sur le fait que le football américain n'est pas viril.

Captain America (le capitaine de l'équipe des USA) arrive en short et polo, pour donner sa composition. Dehors il neige.

Le capitaine ukrainien, Sulypa me demande pourquoi c'est Israël qui remplace l'Azerbaïdjan et non la France qui était 2e en Europe. Je botte en touche.
Un peu plus tard durant la ronde, Sulypa qui est Grand Maître.il m'avouera, plein d'humilité. "Capitaine, ok... mais qu'est-ce que j'y comprend à la partie de Ponomariov ?"

Au premier plan Ponomariov (ancien Champion du Monde FIDE)
Au deuxième plan son capitaine.

Midi, un joueur me demande pourquoi la France ne joue pas. Je réponds que c'est un problème de budget, peut-être.
Ivantchuk arrive avec un bonnet sur la tête, normal, il neige. Derrière lui le n°1 américain, Shankland, pieds nus.

J'arrive le premier dans la salle de jeux, 3/4 d'heure avant la ronde... ne croyez pas que c'est pour faire du zèle, c'est juste pour ne rien faire plus longtemps, et surtout pour savourer mon café. La machine mise à notre disposition propose expresso, cappuccino, café allongé, au lait... une douzaine de choix. J'appuie sur expresso sans sucre... rien ! La machine ne fonctionne pas. Panique ! Horreur ! Épouvante ! Un tournoi d'échecs normal sans café c'est déjà difficile à imaginer, mais un championnat du monde !
Je file au bureau de l'organisation : El cafétian niet fonctioni ! L'assistante de l'organisateur ne semble pas comprendre la gravité de la situation, elle n'est pas joueuse d'échecs. Pas de café ! Pas de caféine ! Tu capisco pas ?? je dessers ma cravate, j'ai des sueurs froides. Où est l'organisateur, le Grand Maître Lputian. Lui il comprendra. Je commence à crier CAFÉINE !
L'organisateur arrive, en un instant, il juge de la gravité de la situation. Un coup de fil au ministre des machines à café (ça sert d'avoir comme président de la fédération, le président de la république).
En attendant, le bar de l'hôtel va pallier (bien qu'il soit au rez-de-chaussée) ce manque.
On assiste à un défilé de serveurs et de capitaines portant des plateaux remplis de tasses à café et de théières.

Ponomariov a une ceinture neuve.

Un peu plus tard pendant la ronde, je fais le tour des arbitres pour voir si tout va bien. Je fais une ronde pendant la ronde. Arrivé à Margalita, je ne sais pas trop quoi lui dire, car elle parle peu anglais, et moi pas du tout géorgien. Je lui dis que la machine à café est bientôt réparée. Elle comprend que je lui propose un café, et me répond "non merci"... voilà, sur un malentendu, je passe pour un garçon prévenant et attentionné.

Je repère un téléphone sur la table d'un arbitre ????
Les téléphones sont absolument interdits. Les policier contrôlent avec un détecteur de métaux. Si un joueur entre avec un téléphone il perd la partie... Alors c'est quoi ce бардак !
Avant d'appeler la police, l'armée, les pompiers, de faire boucler le périmètre pour l'équipe de déminage, je demande à Margalita si c'est à elle ? Niet. Igor ? c'est à toi. Niet. Tu sais à qui c'est ? Da au capitaine chinois.


Mais Igor, tu l'as autorisé. Niet mais pas de problème. Comment-ça pas de problème ?? Mais c'est un téléphone, c'est le mal, l'arme absolue du tricheur. Celui qui utilise un téléphone va en enfer. Igor n'est pas choqué. Bon, je vais tout de même vérifier avec le chef arbitre s'il a autorisé son utilisation.
Je reviens avec Ashot Vardapatyan et un exorciste. Ashot discute avec le capitaine chinois. Il va l'autoriser à prendre des photos avec pendant deux minutes, au début des rondes, et ensuite il ira le remettre dans sa chambre. La police est prévenue. L'exorciste jette un peu d'eau bénite sur l'appareil.

La machine à café fonctionne à nouveau. Parfois, les capitaines ou les policiers sont un peu bruyants autour de ce point d'eau. Mais là, nous entendons un arbitre parler très fort. Ashot et moi nous regardons désespérés. Le Chef Arbitre va chercher le fautif qui regagne sa place, penaud.

Le premier contrôle de temps de passe. Les parties avancent. Un joueur chinois vient me voir un peu paniqué. Il a besoin d'une deuxième feuille pour noter ses coups. Je lui montre que les feuilles supplémentaires sont déjà à côté de son échiquier. L'arbitre de match les avaient déjà posées si discrètement que le joueur ne s'en était pas rendu compte.

Entre eux, les israéliens parlent russe.

Un dirigeant de l'European Chess Union me questionne pourquoi la France n'a pas demandé à remplacer l'Azerbaïdjan qui a déclaré forfait. Ce pays s'était qualifié pour le championnat du monde en passant par l'Europe, et la France étant 2e, elle était légitime pour remplacer l'Azerbaïdjan.
Israël (qui est en Europe pour les échecs) a fait un gros travail de lobbying. La Fédération Française rien. C'est dommage car nous avions de bonne chance de podium.
Je n'y peux rien si le président ne s'en est pas occupé. Le Champion de France, Laurent Fressinet, avait soulevé ce point lors d'un comité directeur fédéral, mais c'était déjà trop tard.

Pourquoi certains arbitres portent-ils des cravates ?
Pourquoi certains joueurs font-il switchswitch et d'autre srcouchsrouch ?
Après l'heure c'est l'heure ?
Faut-il sortir sous la neige pour cirer ses chaussures ?

vous le saurez en suivant nos prochaines aventures ...

samedi 25 avril 2015

WTCC Ronde 2 et tout ça

La Ronde 2 succède à la première ronde, c'est dire si les choses sont bien organisées.

Je note : virer le photographe

Petit déjeuner. Dans l'équipe d'Egypte joue Samy Shoker. J'ai croisé plusieurs fois. Par exemple dans l’Océan Indien, sur l'île de la Réunion (photo ci-dessous au pied du volcan)
Puis dans le Gers, puis en Norvège, et enfin en Arménie. L'égyptien a travaillé en Amazonie. Il rentre du Texas où il a complété ses études, et il part travailler en Ouzbékistan pour l'université française. Ce n'est pas un GMI, c'est un GMTI (grand maître très international)


Samy est tellement en décalage horaire qu'il arrive à l'heure pour le petit-déjeuner.
Comme nous discutons souvent ensemble, les organisateurs pensent que je parle arabe, alors que Samy parle mieux français que moi.

Le matin, à la composition des équipes, je dis à l'arbitre qui m'accompagne que je parle ukrainien couramment. Tiens, quel hasard ! Oleksandr Sulypa, grand-maître ukrainien, attendait pour me donner sa composition. Nous commençons à échanger quelques mots, je le félicite pour la victoire de son équipe face à la Russie. Il enchaîne avec les championnats de boxe, où les ukrainiens ont aussi gagné devant les russes. Je fais un peu durer la conversation, pour impressionner mon collègue...
La veille, Oleksander m'avait dit qu'il parlait français "j'ai joué à Guingamp". Je ne connais pas un mot d'ukrainien... mais mon collègue arbitre non plus.

Le capitaine cubain arrive, je vais pouvoir pratiquer un peu (vraiment) mon espagnol.
Je lui demande si tout va bien, il me dit que oui. Je l'informe que la semaine passé, j'étais dans les Caraïbes, au sud de chez lui. Il a l'air intéressé, je poursuis en précisant que j'ai passé une semaine en Martinique et une semaine en Guadeloupe.
Il me répond : "Ah oui, bien sûr mais c'est une fête que nous ne célébrons pas à Cuba."
Un peu plus tard, venu voir la composition de ses adversaires, je l'entends distinctement dire à ses compatriotes que j'ai un très bon accent... mais qu'a-t-il compris quand je lui ai parlé ?

Midi, je mange un peu d'herbe.

Le Chief Arbiter me raconte ses promenades dans Paris. La beauté, la grandeur de la ville.
Les repas étaient excellents me dit-il, mais quelle habitude étrange de servir le fromage après le plat principal.

La Hongrie a encore un joueur de trop. Je regarde la liste, et signale à l'arbitre de match qu'Almasi est un intrus. Il lui demande poliment de quitter la zone de jeu. Mais Almasi reste à proximité. Je le signale au Chef, car j'ai le sens de la hiérarchie. "I will take care" (je gère). Et pourtant, je vois bien qu'il ne fait rien. Il laisse Almasi regarder un peu les matchs, sans intervenir... Je m'interroge, serait-ce le syndrome du respect excessif des joueurs titrés ? Non, pas Ashot, ça c'est pour les arbitres débutants... Quelques minutes plus tard, alors qu'Ashot a gardé la situation sous contrôle en permanence, il commence à discuter avec le hongrois (hongrois, mais on est pas sûr), et se dirige avec lui vers la sortie.
De la douceur, du tact, le bon timing, de la diplomatie... c'est pour ça que c'est lui le chef.

Un peu plus tard, quand le chef revient, je lui signale qu'il manque la boite pour recueillir les feuilles de parties utilisées par les chessbaseurs (pour vérifier uniquement, les parties sont enregistrées automatiquement).
Ashot gère les grands maîtres, je gère les boites.

L'arbitre arménien a rappelé aux arbitres que j'étais en charge en son absence, et comme il est souvent occupé ailleurs, je suis souvent en charge... quand il ne se passe rien.
Cela me rappelle cette réplique de Paul Bocuse :
Journaliste : Qui fait la cuisine quand vous n'êtes pas là ?
Bocuse : Les mêmes que quand je suis là !

Sasikiran me demande quelle est la cadence.

La ceinture de Ponomariov est à moitié coupée dans le sens de la hauteur.

Un arbitre de match passe à côté d'une table où il reste moins de 30 secondes à un joueur. Il passe... sans s'arrêter. Euh... what about surveiller un peu this game ?

Quand Aronian termine sa partie, il passe devant les policiers pour regagner sa chambre. Les policiers l'arrêtent. ... Je veux dire le stoppent... pour se faire prendre en photo avec lui. L'un des dix meilleurs joueurs du monde, d'un sport dont le président de la république préside aussi la fédération nationale...

Nous attribuons les tables pour chaque arbitre pour la ronde suivante. Nous avons attribué les mêmes matchs à chaque arbitre, mais Ashot a interverti deux matchs... Ben pourquoi qu'il a fait ça ? "Les russes viennent de perdre sur ces tables, il est préférable de ne pas les faire rejouer au même endroit"

Que va-t-il se passer ?
Le pantalon de Ponomariov va-t-il tomber pendant la prochaine partie ?
Pourquoi le chef de délégation chinois me parle-t-il de girafe ?
La machine à café va-t-elle résister ?
Le président de l'ACP va-t-il m'offrir un thé ?
C'est quoi comme poisson ?

Vous le saurez en suivant nos prochaines aventures.

vendredi 24 avril 2015

Championnat du Monde par équipe. Ronde 1, la vraie

à la ronde un, on pousse du bois

Le matin, lors de la remise des compositions d'équipe, le capitaine égyptien a oublié la date. Il discute en arabe avec mon collège des Emirats Arabes Unis, mais je comprends que lui aussi a oublié la date. Je dis alors négligemment تسعة عشر ce qui veut dire "dix-neuf". C'est le seul nombre que je connaisse en arabe, hasard du calendrier.

la ronde va commencer

D'abord gérer Ivanchuk, le Grand Maître ukrainien est capable de battre n'importe qui, et de perdre contre n'importe qui. Il est aussi capable de s'asseoir au mauvais échiquier, ou de se retrouver face à un panneau de bois sans savoir où aller.

Alors, à quoi sert un Deputy Chief Arbiter (Chef Arbitre Adjoint) ? D'abord remplacer le Chef quand il est absent de la salle, et prendre les décisions importantes. Les arbitres de matchs interviennent pour les affaires courantes (en marchant), mais s'il faut sanctionner sévèrement, c'est le chef qui prend la décision finale. Le Chief Arbiter (CA) et le Deputy Chief Arbiter (on m'appelle DCA parce que je plane un peu) sont aussi plus libres, alors que les Match Arbiters (MA) sont attachés à un ... match. Nous pouvons donc fondre sur l'ennemi, attaquer un spectateur bruyant, ou alors chercher l'organisateur pour qu'il répare la machine à café.

Comme on le voit sur la photo ci-dessus, le Chief Arbiter, Ashot Vardapetyan, a un adjoint pas très net.

A la première ronde, le CA est souvent absent de la salle, car il a mille détails à régler avec l'organisateur et les délégations, en plus des formalités administratives. Je suis donc la plupart du temps seul dans la salle en charge de coordonner les actions des arbitres, vérifier que tout le monde applique le protocole de la même façon : vérification de la notation, contrôle du temps, surveillance des capitaines, des communications, prise de résultats, etc. (je mets "etc." pour faire genre il y a beaucoup à faire, mais je n'avais plus d'idée, vous l'aurez compris).
Il faut aussi rappeler à l'ordre les "jeunes" arbitres qui glissent parfois vers un rôle de spectateur, et vont regarder les parties au lieu d'observer les matchs.
Pendant que je distribue divers documents aux arbitres et aux chefs de délégations, Ashot passe de temps en temps contrôler que je contrôle les arbitres qui contrôlent les joueurs qui contrôlent les pièces.

Nous disposons d'eau plate ou gazeuse ainsi que d'une machine à café qui offre une douzaine de choix, mais seulement une sorte de thé pas très buvable. Le CA s'assure que d'autres thés seront disponibles.
Il gère aussi d'autres détails mineurs, comme la venue du président de la république. Il viendra 2h après le début de la ronde, avec tout ce que l'arrivée de gardes du corps et d'équipe TV peut avoir d'incompatible avec l'obligation de quiétude qu'impose un championnat du monde.

Margalita Tandashvili 

L'arbitre internationale géorgienne, Margalita Tandashvili, repère un soucis dans le match Cuba-Hongrie. Ce n'est pas son match, elle en réfère donc au DCA, moi-même.
Je vérifie : 4 joueurs assis, et un joueur debout... ah oui, ça fait un joueur de trop dans une équipe de 4. Je signale donc l'anomalie à l'arbitre du match : les joueurs en réserve ne sont pas autorisés dans la salle de jeu. Je lui dis d'intervenir poliment, gentiment, c'est la première ronde, on rappelle tranquillement le règlement. Du coin de l’œil, j'observe l'intervention du jeune collègue qui est souriant. Puis il va tranquillement s'asseoir... ah... bon, j'aurai dû être plus précis... je vais donc vers lui, et lui demande d'aller voir le capitaine hongrois pour lui rappeler aussi le règlement. Normalement c'est le rôle du capitaine de tenir les joueurs non-impliqués dans le match loin des échiquiers.

On frappe à la porte... oui... euh je veux dire "yes", enfin, "da" ? ah des femmes de chambres (c'est politiquement correcte, ça "femmes de chambres" ? C'est mieux que "bonnes", mais peut-être "assistante hôtelière en charge de l'hygiène et de l'approvisionnement serviettal" ?) Bon, elles sont là, mais je n'ai besoin de rien. Comment dire ça à deux jeunes arméniennes qui n'ont surement pas choisi le provençal en LV2 ? D'un geste de la main, je fais : "C'est bon, merci, vous faites très bien votre travail, mais je suis occupé, j'ai tout ce qu'il faut" (j'ai les mains très expressives). Je rajoute "ok ok", mais leur visage exprime très bien ... "hein ?"... je tente le peu de russe que je connais "ничего" (rien) je crois qu'elles comprennent. Mais l'une d'elle me propose une serviette, mais non, j'en ai encore trois non-utilisées. 
Allez pour leur faire plaisir, je tente "voda !", et la plus jeune me demande "vodi ?" eh oh ! on va pas chipoti ! voda, vodi, ça suffa comme çi. Elle est bien contente que j'ai besoin d'eau, la jeune arménienne sourit... voilà allez "didi madloba" dis-je en fermant la porte... ooopss c'est merci en géorgien.

Bon, revenons à la ronde un (de boulot) Je signale au Chief qu'un remplaçant hongrois est entré dans la salle après le début de la ronde... Ah mais ce n'est pas normal, les policiers ont ordre de ne laisser entrer aucun joueur après l'heure : tolérance zéro pour le temps. Ashot quitte à nouveau la salle pour insister sur la consigne à l'entrée.

La chaise de Grichuk semble avoir un soucis, le... euh comment ça s'appelle ? ... non, pas le dossier, là où on pose ses fesses quoi ... euh l'espèce de coussin... bon, vous avez compris. Ben y tient pas bien. Faudra le changer, je le note.
La lumière me semble un peu vive, il faut dire que nous avons un lustre qui ne rentrerait pas dans mon salon (mais j'ai peut être cette sensation parce que j'ai peu dormi) :
Quel autre problème ?
Ah oui, le frigo ferait moins de bruit avec une cale.
Un joueur a demandé un tié (ça doit vouloir dire thé) à son capitaine, sans la présence de l'arbitre.
Les stickers pour afficher les résultats sont trop larges et doivent être redécoupés.
La jeune femme de l'organisation parle trop fort quand elle quitte son bureau.
Les tables commencent à être encombrées : Levon Aronian, par exemple a deux tasses à café et deux bouteilles d'eau vides, à côté de son échiquier. Faut-il demander aux capitaines de faire le ménage ?

Le Match Arbiter qui avait laissé entrer dans la salle un hongrois de trop tente de se rattraper. Il me fait signe qu'il va virer un joueur. Cet arbitre est bien déterminé à montrer ses petits bras musclés. Je l'arrête in extremis avant qu'il ne mette à la porte le capitaine chinois...
Je lui dis gentiment de s'occuper de "son" match et de ne pas faire de zèle : "don't do the malin, and occupe you of tes fesses".

Nous avions dit que la pendule comptait les coups...
Excusez-moi, je m'interromps parce que je viens de regarder par la fenêtre de ma chambre. En deux jours, le paysage a pas mal changé, dîtes-donc (entrez !)
Regardez plutôt (comme disait Mickey) à travers la fenêtre de ma chambre :


Kalifa, qui vient des Emirats Arabes Unis m'a dit qu'il n'avais jamais vu la neige, il est servi !
Je vous remercie pour votre patience, revenons à la ronde 1, et fermez cette fenêtre, on gèle ici.

Nous avions dit que la pendule comptait les coups... c'est à dire que les 30 min. supplémentaire se rajoutent automatiquement au 40e coup. Petit soucis à la ronde 1 (et ce fut le seul jusqu'ici), la pendule du 1er échiquier Chine-USA rajoute les 30 min au 39e coup !
OulaOula !!
Je regarde l'arbitre (je ne donnerai pas son nom, mais il n'avait jamais vu la neige), il m'appelle. Je lui dis de faire le réglage. Il n'est pas très sûr de lui. Régler une pendule le matin, pour tester, ce n'est pas la même chose que le faire en direct, pendant le championnat du monde, devant les joueurs, les capitaines et le chef adjoint (le chef nous laisse faire, inutile d'être à trois, inutile de rajouter de la pression. Il est bon le chef).
Mais le Match Arbiter panique, il m'interroge du regard, et me tend la pendule. Je refuse et le guide :
Laisse appuyé le bouton de droite.
Bien.
Fais défiler. Stop. Fais moins trois (on est au dizaine de minutes).
Bien.
Fais défiler. Stop. Pareil pour les Noirs.
Bien.
Non, continue. Oui, encore un peu. C'est le nombre de coups. Tu fais moins un.
Bien.
Voilà, tu valides. C'est parfait.
Très bien, et dans un temps raisonnable. Il pose la pendule, oublie de la redémarrer et retourne à sa place. Je relance la pendule discrètement.
Un peu plus tard, je le félicite pour son efficacité. Avec un peu de confiance, il sera parfait.

La visite du Président de la République/Fédération s'est bien passée. Dans 5 jours, il reçoit Vladimir Poutine et François Hollande (entre autres) pour la commémoration des 100 ans du génocide arménien (plus d'un million de morts).

La ronde se déroule sans incident notable.
Nous avons mérité de nous reposer. Le Chef doit encore saisir les résultats et les publier.
Nous discutons de l'attribution des matchs pour demain, et je me charge de les annoncer aux Matchs Arbiters :
Igor, tu arbitres Egypte-Israël, sur ces tables (n°2), et c'est le match n°5. Je m'attendais à ce que ce vénérable arbitre international de catégorie A (le plus haut niveau mondial), âgé de 67 ans, vivant à Saint-Petersbourg, me dise un simple "OK", mais il me posa une question particulièrement difficile : "Pourquoi ?"... "euh ... Parce que.. ça te suffirait comme réponse ?" Je ne lui dis pas ça, bien sûr. Je pourrais lui dire qu'il serait diplomatiquement difficile d'attribuer Israël à un Iranien, qu'il ne peut pas arbitrer la Russie, et donc cela bloque Margalita qui parle peu anglais. Les joueurs israéliens parlent tous russe, les autres arbitres parlent plutôt anglais. Mais je ne dis pas ça non plus. Je me souviens que les russes aiment les documents officiels. Je lui montre donc simplement la feuille des matchs imprimés, avec la table 2, le match 5 et son nom.
Il secoue la tête.
ouf.

Et bien allons dîner, nous terminerons la mise en place après le repas.


La ronde 2 aura-t-elle lieu ?
Le président de la République va-t-il repasser ? Et si oui avec quel fer ?
Va-t-il pleuvoir pour la venue de François Hollande ?
La Hongrie va-t-elle encore venir à 5 joueurs pour 4 échiquier ?

vous le saurez en suivant la suite de nos aventures...


mercredi 22 avril 2015

World Team Championship Tsakhkadzor Ronde 1

Levé trop tôt, je ne sais pas si je suis encore calé sur l'heure des Caraïbes ou déjà sur Marseille, mais certainement pas encore sur le Caucase (c'est cocasse).

Petit déjeuner copieux (c'est mieux qu'au pieu).
Je m'installe dans la salle des arbitres un peu avant 9h, et j'attends.

 
(note pour C. j'ai mis cette montre le 1er jour, c'est tout, promis) 

Petit café, polo des dernières Olympiades (je me la pète un peu... le Chef Arbitre porte le même).
Arrive Khalifa Khouri, arbitre international des Emirats Arabes Unis. Il travaille pour une compagnie pétrolière, mais je ne pense pas qu'il soit pompiste.
C'est un des arbitres de match. Nous attendons les capitaines ou les chefs de délégation qui viennent nous remettre la composition des équipes, entre 9h et 9h30. Les parties débutent à 15h.
Le Chef Arbitre m'a délégué cette tâche, d'une part parce qu'il faut bien m'occuper, et d'autre part car, étant arménien, il ne veut pas être accusé de connaître à l'avance la composition des adversaires de son pays.

Petit défilé des équipes, j'essaie de parler espagnol avec les cubains, mais ils me répondent en anglais, ce qui est tout de même un peu humiliant.

A 9h30, je donne les compositions au grand chef, qui les envoie à l'organisateur, pour le site officiel : http://wtcc2015.am/
J'ai une heure de libre, je cherche la sortie, descends l'escalier monumental... et tombe sur ...


le hall d'entrée... pour vous donner une idée de la taille, au fond à droite, c'est une cheminée où on pourrait faire rôtir un bœuf ... n'ayant pas de boeuf à rôtir, je prends l'escalier, et monte 3 étages puisque je suis au 3e... un peu d'exercice, ça ne fait pas de mal... et j'arrive au 4e étage ... ben c'est quoi ça ?


 ah ok, le 1er étage n'existe pas, tellement le lobby est haut..., bon, je redescends


ça rappelle un peu Shinning, non ?

Bon, avec tout ça il est l'heure de la réunion des arbitres, je mets une veste et une cravate et je sors... ooops, je re-rentre, je mets aussi un pantalon et je sors.

Retour à la salle de jeu où je retrouve Alireza Mousa Ali, arbitre international, d'Iran. Il a deux doctorats, enseigne et s'occupe de santé publique. A ta santé public !

(Alireza Mousa Ali et votre serviteur qui fait semblant d'écrire quand je vois un photographe)

Petit entraînement pour régler les pendules, petit test pour rajouter deux minutes, tout va bien. J'attribue les matchs avec le grand chef. On évite Israël pour l'iranien, et la Russie pour ... le russe. S'il y a un problème sur l'Arménie, le chef me laissera intervenir.
Nous préparons la salle, vérifions les position des échiquiers, des pièces, l'éclairage, les affichages. Rappel des consignes en fin de partie, les différentes signatures à apposer, tout ça, tout ça.

La salle fumeur est juste au même étage... éh oui, fumer est autorisé dans l'hôtel, cela faisait longtemps que je n'avais pas vu ça.

Et si on allait déjeuner... je me contente d'un verre de lait, ... oui, enfin, voilà quoi.

(Khalifa et le petit chef) 

Mon verre de lait terminé, je remonte me changer. Cette fois, je prends l'ascenseur pour ... (non, pas pour l’échafaud) ... pour gagner du temps. Je mets le polo officiel, et j'évite les photographes.

La salle est prête, il ne manque plus que les joueurs.


Pour entrer, tout le monde doit passer par le contrôle. Parmi les agents de sécurité, il y a trois policiers, des vrais avec des détecteurs de métaux


Des vrais policiers comme dans les films.

Allez la ronde commence enfin, ... enfin.... au prochain numéro ^^


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merci à ceux qui ont partagé le lien vers ce blog.
Voici des stats en visiteur unique (si vous vous connectez deux fois ça ne compte qu'un) d'hier
France
544
Russie
111
Arménie
28
États-Unis
28
Suisse
13
Allemagne
13
Serbie
7
Ukraine
5
République tchèque
4
Royaume-Uni
4

mardi 21 avril 2015

Cérémonie d'ouverture, repas et Technical Meeting

Il est 23h30, panne de courant, mais internet fonctionne, étrange... j'ouvre la fenêtre... brrrr... on annonce de la neige pour demain, bon pas de lumière à l'extérieur, la coupure semble générale.
Le chauffage, ça passe par internet ? ooopss... pensez à bien se couvrir.
Bon, ben au lit alors, la suite demain, j'ai plus de batterie.
Ah ben ça y'est c'est revenu

Où j'en étais ... ah oui, dîtes-donc, le président de la république est aussi président de la fédération arménienne. Pas le président français, ils ont le leur de président en Arménie. On a essayé de leur refiler le notre, mais ils n'en ont pas voulu, ni de l'ancien d'ailleurs... oh ben zut alors, l'électricité a encore sauté, et pourtant internet fonctionne, étrange...

Bon plus de batterie, plus de lumière, à demain pour de bon...
Et voilà, magie du texte écrit, nous sommes demain.

Cérémonie d'ouverture magnifique. Nous commençâmes par une danse très acrobatique. Les discours officiels, puis une danse plus poétique.

Ce Championnat du Monde intervient à l'occasion de la célébration du 100e anniversaire du génocide arménien (plus d'un million de morts). "Espérons que les peuples ne s'affronteront plus que devant les échiquiers, et dans d'autres événements sportifs, pour proclamer la victoire de la lumière sur l'obscurité et de la raison sur la violence".

Le tirage au sort a lieu à la fin de la cérémonie. Chaque capitaine est appelé à tour de rôle, il choisi un danseur ou une danseuse, selon ses goûts. La personne choisie effectue alors une danse à l'issue de laquelle elle ouvre un large éventail où le numéro d'appariement apparaît.
En même temps, en Chine ont lieu les Championnats du Monde par équipe féminin. Pour le tirage au sort des numéros d'appariements, les participantes choisissent un panda. A l'intérieur du panda se trouve le numéro. Je crois que les pandas sont en peluches.

Vers 20h, une soixantaine d'officiels sont invités dans un "salon privé". Sur les tables, je vois du vin rouge arménien, et du "cognac" Ararat.
Mon voisin est un des représentants du comité olympique arménien (je crois), il est arbitre de boxe, et a officié aux Jeux Olympiques d'Atlanta et de Sydney. Sur la photo ci-dessous, il essaie de me coller une gauche, mais je suis prêt à lui balancer un pain, voir plusieurs.


Arrivée du Président de la République, un Match Arbiter veut prendre une photo, mais instantanément apparaît un monsieur sportif portant un costume sombre et une oreillette, il lui fait comprendre que cela ne se fait pas.

Le repas est excellent, mais je serais bien incapable de vous dire ce qui nous a été servi. J'ai juste reconnu des œufs de poissons venu d'Iran, et des radis.
Des danses et des chansons accompagnent le repas. La présentatrice TV qui co-animait en anglais la cérémonie d'ouverture est à notre table. Quand une chanson est interprétée en français, elle me demande de quoi cela parle... et me voici à traduire des paroles de Joe Dassin et Mireille Mathieu.

En dessert, il y a eu du riz cuit dans une citrouille, le ghapama :


Mais comme dans les contes de fées, quand la citrouille arrive, il est temps de rentrer, je goûterai le "cognac" Ararat une autre fois. Il est 22h, direction le ...

Technical Meeting :

Le Chief Arbiter (à ma droite) rappelle aux chefs de délégations ainsi qu'aux capitaines les règlements spécifiques des Championnats du Monde, le contrôle de temps, la tolérance zéro pour arriver au début de la partie (si vous n'êtes pas là à 15h pile, vous avez perdu), le fait que les pendule compte les coups.
J'avais soulevé ce problème lors de notre réunion préparatoire avec Ashot. Les joueurs préfèrent que la pendule compte les coups. Nous préférons tous les deux, légèrement, qu'elle ne compte pas les coups, mais nous appliquerons la première solution : en effet ce sont des joueurs expérimentés, il y a 49 Grands-Maîtres et un Maître (Ashot me dira malicieusement : "nous n'aurons pas trop à nous soucier des normes"), ils ne vont donc pas oublier d'appuyer. Et les échiquiers sont suffisamment éloignés pour qu'ils n'appuient pas sur la pendule du voisin.
Cela semble convenir à tous.

Le chef de délégation égyptien est surpris de ne pas avoir accès à la salle de jeu. Nous le renvoyons vers l'organisateur.
Le représentant indien demande s'il y a des plats végétariens. Et d'autres demandent si on peut mettre une étiquette à côté de chaque plat du buffet.

Bon, quand les questions ne sont plus techniques, c'est qu'il est l'heure d'aller dormir. Je suis arrivé en Arménie vers 2h du matin... il s'en est passé des choses.
On nous distribue des polos et des vestes de sport, avec ordre de les porter demain... bon, on évitera les photographes (note pour moi-même : arrêter le riz avec les pâtes).
Sur les polos : le logo du Championnat du Monde.



j'ai cru que c'était une fleur, et vous que voyez-vous ?

A suivre :
La première ronde va-t-elle enfin commencer ?
Cuba va-t-il battre la Russie ?
Pourquoi la France n'est-elle pas qualifiée ?
Est-ce que je parle ukrainien ?

Vous le saurez en lisant la suite de nos aventures

lundi 20 avril 2015

Yerevan by night, Tsakhkadzor by day

rappel des épisodes précédents : En route pour les Championnats du Monde par équipe, je retrouve des chinois à Moscou.

Je commence à discuter avec le chef de la délégation chinoise dans l'avion. Entre nous deux, un jeune grand maître demande à changer de place, il ne parle pas anglais. Il est remplacé par le n°1 chinois, 14e joueur mondial, qui nous sert de traducteur. Il s'appelle Ding, et ses parents l'ont appelé ainsi parce que ça sonne bien. Je l'avais rencontré l'année passée à Capelle la Grande. Il avait remporté le tournoi devant plus de 600 joueurs.
Mais, est-ce ma conversation ou les 8h de vol qu'il a déjà accumulées ? Qui dort ? Ding.

Je somnole aussi, et après 2h30 de vol, nous arrivons à Yerevan, capitale de l'Arménie, et terre natale des ancêtres de C.
Ma valise est la première à sortir, normal, c'était la dernière à être entrée dans l'avion. Je suis donc le premier à passer la douane à qui je présente mon passeport. Elle s'en tamponne.
Grande foule, et au milieu de la foule, un symbole universel : un échiquier. Un monsieur derrière le panneau. Je suis fatigué, j'ai failli tomber dans le panneau. Il me demande si je parle russe. Niet. Arménien ? non plus. Il me fait signe de ne pas bouger. Il a une liste, je lui dis que les chinois arrivent. Et à chaque fois que des asiatiques sortent, il me questionne du regard. Finalement ils arrivent... ah ben non, il en maque un. Un problème avec son passeport... j'indique au monsieur au panneau qu'un chinois est bloqué, qu'il discute avec la douane. Le monsieur au panneau répond avec un sourire : "s'ils discutent, il n'y a pas de problème". Et il avait raison, dix minutes après tout est en ordre, et nous prenons le bus pour Tsakhkadzor (encore 1h15 de route).


Nous traversons la capitale, tous dans un état semi-comateux (sauf le chauffeur, enfin... j'espère). La musique à fond n'empêche pas les chinois de dormir. Mais quand j'entends la musique de "La Vérité si je Mens" je me demande si je ne suis pas en train de rêver.

Accélérons. Route qui monte, qui monte, station de ski. Tsakhkadzor. Neige. Hôtel !

A la réception, un jeune homme très compétant photocopie mon passeport, me donne ma clé, et commence à me parler des avantages dont je bénéficie en tant qu'invité spécial... je n'ai rien contre le spa ou la piscine, au contraire, mais il est bientôt 4h du matin, et je voudrais juste un lit... hélas, il a l'air tellement gentil que je n'ose pas l'interrompre... mais mon visage me trahi et il me demande si je suis déjà venu... ça doit se voir que son discours pourtant très attentionné ... zzzzz...

Je serais ingrat (en un seul mot) de ne pas être reconnaissant : voici ma chambre


Je m'endors rapidement et me réveille 5h plus tard en pleine forme (tu parles !)
J'ouvre les rideaux et je tombe sur :


Ah non, pardon, c'était la semaine dernière, à la Guadeloupe, à 10 min. à pied de chez Lionel qui m'hébergeait.

Un peu différent, mais très joli également :


Il est 9h, le petit-déjeuner m'attend.
Dans le hall immense, je croise Emile Sutovsky, qui me dit en français "Bonjour Monsieur, comment allez-vous ?", ça fait plaisir, on se sent en famille.
La salle du restaurant, Aronian, Leko, Motylev, et des gens moins connus, dont moi ^^

Puis, je visite un peu l'hôtel immense. Les couloirs sont très larges, et je m'attends, d'un moment à l'autre à voir un petit garçon sur un tricycle ou Jack Nickolson avec une hache.

Je cherche un peu le chief arbiter, mais nous avons le temps, la réunion technique est à 22h. Sans l'avoir trouvé, je remonte à ma chambre, et lui envoie un mail pour indiquer que je suis bien là (et bien las...), et que tout va bien.

Petite révision des règlements, et il est déjà l'heure du déjeuner. Je tombe sur Ashot Vardapetyan, le chef (je serai le sous-chef), Président de la commission des règles du jeu de la fédération internationale (je suis membre de cette commission depuis peu), il est l'un des arbitres internationaux les plus respectés. C'était l'arbitre du dernier championnat du monde entre Carlsen et Anand, en Inde. L'homme est souriant, affable, d'une grande culture. Je lui parle un peu de mes liens avec la communauté arménienne de Marseille (80.000 personnes ! ... pas mes proches, juste les marseillais d'origine arménienne). Il me raconte alors que la sœur de sa grand-mère a longtemps vécu à Marseille.
Il enchaîne sur son amour de la littérature française de la fin XIXe début XXe, il me parle d'Alexandre Dumas. Je lui dis alors que j'habite en face du Château d'If où le Comte de Monte-Christo fut prisonnier (oui, bon d'accord, je n'habite pas tout à fait en face, mais si on a plus le droit d'exagérer sur Marseille ...). Nous parlons de Maupassant de Balzac, bien loin des préoccupations techniques de deux arbitres. Ashot avait les mêmes lectures que moi adolescent. Aujourd'hui, nous avouons tous les deux ne plus beaucoup lire.

Passons aux choses sérieuses. Visite de la salle, coordination des actions, répartition des rôles.

Dans le plus pur style soviétique, boiseries imposantes et lustres immenses. La salle est en cours de préparation, les parties ne débutent que le lendemain à 15h.

Depuis le balcon du 1er étage, j'observe les danseurs répéter pour la cérémonie d'ouverture.


18h45, je reçois un coup de téléphone, comme tous les officiels du championnat du monde. Présence immédiate attendue. Le président de la république arrive.
Un rapide coup d’œil par la fenêtre, un car de régie tv, des SUV noirs, et beaucoup d'uniformes. J'évite de les prendre en photo.
Je descends, et retrouve l'arbitre internationale géorgienne Margalita Tandashvili, avec qui j'avais travaillé à Batumi, pour les Championnats du Monde féminin de rapide et blitz.
Egalement présent pour la cérémonie d'ouverture, Alireza Mousa Ali, arbitre international iranien à ma gauche sur la photo ci-dessous.


On ne rigole pas, voici le président de la fédération arménienne qui occupe son temps libre en étant président de la république !


à suivre.
Le championnat va-t-il enfin commencer ?
Où sont passé les chinois ?
Samy Shocker va-il se réveiller ?
Ivanchuck va-t-il s'asseoir à la bonne place ?
vous le saurez en suivant nos prochaines aventures...

samedi 18 avril 2015

direction le championnat du monde par équipe

(je reviendrai sur mon séjour en Guadeloupe)

J'ai l'honneur d'arbitrer le championnat du monde par équipe.
Nous sommes six arbitres que voici http://tsaghkadzor2015.fide.com/static/article/35?lang=en
Le chef s'appelle Ashot Vardapetyan, le meilleur arbitre du monde quand Takis  Nikolopoulos est en vacance. Je suis le Deputy Chief Arbiter, le second de cuisine ^^ et nous avons quatre commis, tous arbitres internationaux.

Debout hier matin à quatre heures à Marseille, j'arrive à l'hôtel ce matin à quatre heures, soit 22h après... ceux qui ont compris expliquent à leur voisins.

Petit vol jusqu'à Roissy. Longue attente pour le vol vers Moscou. Passage du contrôle de sécurité, à ma droite David Pujadas, le journaliste tv ne transporte pas de matière dangereuse. Il a du être impressionné d'être à côté d'un arbitre international, mais il respecte ma vie privée et me laisse tranquille.

Avion, je prends la compagnie Aeroflot, c'est sympa d'avoir donné à une compagnie aérienne le nom d'un grand tournoi d'échecs.


une pensée à mon ami Jean-Jacques en voyant le logo,
Sur les compagnies françaises, on vous rappelle qu'il ne faut pas fumer. Sur cette compagnie russe, on vous demande de ne consommer que les alcools distribués par le personnel.
L'avion a presque une heure de retard, je me demande si j'aurai ma correspondance à Moscou.
Le repas arrive. J'ai fait une croix sur la diversité des plats servis le jour où une hôtesse m'a demandé si je voulais du poulet ou du poulet (véridique). Alors quand le PNC (personnel navigant de cabine) m'a proposé du chiken ou du beef !! j'ai hurlé BEEEFF ! au risque de me faire sortir de l'avion, avant que le steward ne retire sa proposition, et j'ai sauté de joie sur mon siège, ce qui n'est pas évident la ceinture de sécurité attachée. Je veux du bœuf, même si c'est un vieux cheval roumain !

Le pilote annonce que nous atterrissons à Moscou à 21h... mon avion pour Yerevan est à 21h30 :-( moins d'une demi-heure, sachant que l'embarquement s'achève 20 min. avant... bon, j'espère que la compagnie fournira un bon hôtel, et que je n'aurai pas de soucis parce que je n'ai pas de visa pour la Russie...
Le capitaine fait une annonce "Les personnes en transit... " je me tords sur mon siège pour mieux comprendre ce qu'il dit : eh oui le passager en transit s'tord pour mieux capter. (vous l'avez ?)... et le commandant conclu : "renseignez vous au bureau des transferts"... super, je suis rassuré.

21h00 l'avion atterri, les gens se lèvent avant l'arrêt, je suis au milieu de l'avion, il y a une centaine de personnes devant moi. il faut encore quelques minutes pour évacuer tout le monde, j'ai repéré qu'il me fallait aller "gate 28". En doublant les passagers avec enfants, grands-parents, sacs en plastique, sac à dos, je me répète "transfers, gaiteux touenti héhiteux". Je saute par dessus un papy qui relace ses chaussures, contourne une mamie qui téléphone. "transfers, gaiteux touenti héhiteux" je suis les panneaux "transferts" je marche plus vite, sans perdre de temps à regarder ma montre. Courir ? Comment ça courir ? "A gentleman shall walk but never run"... à gauche "transferts internes", à droite "transfert étrangers" Je me répète porte 28, porte 28. Je prends le couloir de droite.
La porte 28 est à ma gauche, mais je n'ai pas le droit de passer à travers la baie vitrée. Je continue tout droit. Porte 28. Une jeune femme apparaît dans un tournant. "Yerevan ?" Yes ! Bording pass ? Yes ! elle prend mon ticket et me dit "porte 27" ?? et elle l'écrit sur le ticket ... Elle me montre le chemin... une douanière me trouve sympathique, et me laisse passer. QQuoi ? encore la sécurité, enlevé la veste, l'ordinateur, le petit bac en plastic pour la ceinture ??... mais j'ai déjà passé la sécurité avec un journaliste connu en plus, il peut témoigner... gate 28... heu non 27... je suis au 20... oulà c'est loin.... des boutiques, des boutiques. 27 !! deux types, rangent des papiers, je saute, le bras tendu, et au bout de mon bras, le bording ticket. Le jeune employé très antipathique me dit alors "passport !" ah oui, euh, oui, euh voilà. "Last passager" qu'il rajoute... ouf j'aurai passé dix minutes sur le sol russe.
La fin du communisme a du bon, arrivé de France en direction de l'Arménie, j'ai accompli les formalités administratives en une poignée de secondes.
Et mes bagages ? ooopps ... bah on verra bien.

Dernier passager à m'installer, je n'ai pas de mal à trouver ma place. Une hôtesse m'aide à caser mon sac dans le compartiment, en le bourrant de coups de poings. Elle est douée, je m'installe et souffle...
Un rapide coup d’œil à mon voisin, il n'a pas l'air moscovite, ni arménien. Je souffle encore. Le visage m'est familier, et celui de son voisin aussi. L'équipe de Chine !

Nous décollons.

à suivre,
L'avion va-t-il atterrir en Arménie ou au Pérou ?
Vais-je enfin apprendre à parler chinois ?
Y'a-t-il de la neige à Tsakhkadzor ?
David Pujadas mesure-t-il plus d'un mètre soixante ?
Vais-je récupérer mes bagages ?
vous le saurez en suivant les nouvelles aventures de Stéphane au pays des beureks