mercredi 13 août 2014

Femmes Femmes Femmes

Dans la navette qui nous mène à la salle de jeu, nous passons dans un tunnel dans lequel il y a des ronds-points ! Unique au monde d'après les norvégiens.


Ah ben oui, ça bouge dans un bus... what did you expect ?

Aujourd'hui des femmes, mais d'abord les hommes. Un peu de pub pour l'Océan Indien avec nos amis malgaches, dont Patrick, Arbitre FIDE, debout... un arbitre est toujours debout. Et quand il s'assoit ? Il reste debout moralement ! non mais ! ...


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Madame la Première Ministre de Norvège, Erna Solberg, lance l'avant-dernière ronde. 
Avant elle, nous avions eu la ministre de la pêche et la ministre des finances. Trois femmes, ce qui tend à prouver que la politique n'est pas une activité importante en Norvège. Quoi j'ai dit une bêtise ? C'est pas des femmes ? Si, alors...

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Depuis le début des Olympiades, j'officie dans le secteur 1. Nous avons les premiers matchs des hommes (open) et des femmes (femmes). Jusqu'ici je n'ai arbitré que les hommes. Nous tournons un peu. Les femmes me réclament, j'arbitre donc Pologne-Géorgie chez les filles.

L'arbitre/président de la fédération polonaise vient de temps en temps. Personnellement, je ne vais pas voir jouer mon équipe nationale... mais si j'étais président de la fédération, j'hésiterai un peu.
Le Maître (très) International, Damir Levacic me donne des infos sur l'équipe de France, son évaluation n'est pas optimiste.

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Croisé Europe Échecs (Bachard K. et Gérard D.), dans le sillage de Kirsan, fier de sa victoire. Je salue E.E., et réussi à éviter Kirsan. Garder le même président pendant 20 ans, dans n'importe quelle institution, ce n'est pas sain.
Je trouve qu'il a la même démarche que Campomanes, son prédécesseur, que j'avais croisé à Turin. Des petits pas cours, le regard très lointain, et surtout un visage de marbre qui s'anime soudain d'un sourire, à la vue d'un être utile à sa gloire.

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Les filles de l'équipe de France ont souffert aujourd'hui. Mais elles ont été courageuses. Ce sont des battantes. Le Capitaine aussi était chagriné. Il a même oublié de récupérer les cartes vertes, sésame indispensable pour pouvoir entrer dans la salle, après la journée de repos.


L'arbitre seychelloise du match sait que je suis français. Elle me remet les précieuses cartes. Je contacte Matthieu Cornette. On règle ça demain..

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L'arbitre en chef vient me voir."Tu as déjà arbitré des Olympiades, n'est-ce pas ? " "oui...", "OK, cette joueuse doit rester après sa partie. Attendre avec toi, et ne pas aller aux toilettes. Elle subit un contrôle anti-dopage".
Je surveille du coin de l’œil, mais le match semble être entré dans une période calme.
Après avoir été (très peu) payé, pendant la moitié des Olympiades, pour suivre les parties du Champion du Monde, me voici (trop peu) payé pour regarder "Huit Femmes", intelligentes et belles, qui, comme dans un film de François Ozon, s’entre-tuent subtilement.
La partie de Socko se termine, elle a perdu. Je lui demande de rester un peu, mais le responsable de la commission médicale est déjà là. Elle le suit, mon rôle est terminé.
L'arbitre doit parfois chercher les joueurs. Je me souviens de ce médecin du sport qui avait débarqué à l'improviste (c'est l'idée)... mais le jour de repos du championnat de France. J'avais dû appeler les deux joueurs choisis. L'un d'eux m'avait demandé si le cognac était dans la liste des produits dopants ... ^^
Je vais voir le président polonais, pensant que ça allait l'amuser qu'une de ses joueuses subisse un contrôle anti-dopage. Les dopants aux échecs ne servent pas à grand chose, et les joueurs ne prennent donc pas de substances, sauf cas rares prescrits par la faculté. Des gros bras musclés ne sont pas indispensables. Il n'y a donc pas de pression à subir ces contrôles, contrairement à d'autres sports.
Mais Thomasz ne sourit pas. Au contraire, il bouillonne. Apparemment, il y a une vieille histoire, et la Pologne et souvent tirée au sort... c'est d'ailleurs la 2e fois que cette joueuse subit un contrôle cette année. Tss tsss.

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Il est une heure du matin, il fait quasiment nuit. De gros nuages complices cachent les rares rayons du Soleil. Je suis fatigué, je vais me reposer. A demain !

Bonjour ! Il est 6h passées, les nuages sont moins nombreux. Je passe à la salle de bain (un peu de pogonotomie), et vous rejoins après le petit-déjeuner.

Reprenons donc.

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Le match phare chez les fille, c'est Ukraine-Russie. Pour des raisons sportives, les deux équipes jouent pour le titre avec la Chine. Pour des raisons politiques (ouvrez n'importe quel journal). Pour des raisons juridiques: la meilleure joueuse ukrainienne, Lagno, est passée à la Russie. Son transfert est contesté. Les avocats vont se faire un peu d'argent. L'Ukraine gagne.

Le loup en haut, Lagno en bas.
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Elisabeta Polihroniade est ma voisine. C'est une légende. Elle est roumaine, Grand-Maître, arbitre internationale. Tous les officiels viennent la saluer au début de la ronde. Elle parle très bien français. 
Son assistant, Adnane Nesla, l'appelle "Queen Elisabeth", et c'est une marque de respect. Elisabeta est dans sa quatre-vingtième année.

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Je croise un membre de la délégation chinoise que j'avais rencontré en 2006. Je lui rappelle dans quelles circonstances nous nous étions connus. Il fait gentiment semblant de se rappeler de moi.
1ère remarque : tous les asiatiques ne se ressemblent pas.
Je lui demande des nouvelles de son épouse. "Elle est partie aux Etats-Unis".
2e remarque : en diplomatie, ne jamais poser de questions dont on ne connait pas déjà la réponse.

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Peu avant la ronde, un collègue arbitre (je ne peux pas citer son nom pour des raisons évidentes) se fige et ouvre la bouche en grand. Il lâche un soupir "She is wonderrrrrfuuull" (elle est maaaaaâaaaagnifique). Je me retourne et lui demande : La jeune femme en chemise rouge et pantalon noir ? "Yeeeeeesss" 
Il est contemplatif.


Je lui demande s'il aimerait la rencontrer. 
Lui : Are you crazy ? (t'es malade ou quoi ?). 
Moi : Je vais te montrer comme un français s'y prendrait.
Je lance "Lady", et d'un geste de la main, je l'invite à nous rejoindre. Je force un peu sur le côté macho. Et avant qu'elle ne soit à notre niveau, dit à l'arbitre "Tu vois, c'est facile, il suffit de les appeler et elles viennent en souriant".
Le collègue est assez impressionné par mon efficacité. Naturellement, il ignore que je connaissais déjà cette arbitre stagiaire, fan de l'équipe chinoise que j'ai arbitré. Nous avions échangé quelques mots amicaux. Je sens que le collègue commence à paniquer. Je continue comme si je la rencontrais pour la première fois : "Hello Miss, what's your name ?" (Bonjour Mademoiselle, comment vous appelez-vous ?). Voici mon collègue (je donne son prénom). Il vous trouve très jolie. Et là, il devient tout rouge, part en courant, et à 5 ou 6 mètres, il me lance "Je te hais, je vais te tuer. Ne l'écoutez pas !!"
Je bascule en mode technique, et demande alors à la jeune femme où en sont les chinois. Et bien, sur 36 parties jouées, ils n'en ont perdu qu'une seule, c'est impressionnant.
Je désigne ostensiblement mon collègue timide : Vous pouvez continuer à le fixer, c'est juste pour le mettre mal à l'aise.
Cela semble fonctionner.
Et ces chinois alors ? Ding Liren gagne 8 points Elo. Je crois que ses parents l'ont appelé "Ding" parce que ça sonne bien.

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Savez-vous à quoi on reconnait arbitre d'échecs dans un tournoi , ou un un psy dans une boite de strip-tease ?
Ce sont les seuls qui regardent les spectateurs.

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Terminons avec le repas du soir, servi sous forme d'un excellent buffet. Stephen Boyd et moi avançons, et derrière nous se place Geurt Gijssen, LA référence mondiale, celui pour qui on a inventé le mot "arbitre".
"oh mais c'est Geurt", dit Stephen qui n'a pas le sens du sacré.
J'en rajoute un peu "Geurt the great !, the incredible !" (le Grand Geurt, le fantastique !)
Gijssen entre alors dans le jeu et déclare avec emphase "THE UNBELIVABLE !" (L'INCROYABLE !)

(photo Ladislav Palovsky)

Je lui propose de dîner ensemble, il accepte gentiment. Gijssen demande simplement au photographe de ne pas prendre l'assiette en photo, on ne sait jamais, si sa femme regarde...

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Durant les parties, les arbitres ne mangent pas.

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